Claudette Joannis
Consulter la liste des catalogues raisonnés d'inventaire de collection de musée produits par la RMN-GP
Aller sur le site web du musée national des châteaux de Malmaison et Bois Préau
Présentation Historique

Historique des collections


30 juin 2010

La particularité de ce catalogue est de porter en même temps sur quatre lieux : le musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, le musée national du palais de Compiègne, le musée national de la maison Bonaparte à Ajaccio et le Musée napoléonien de l’île d’Aix. En effet, ces deux derniers sont sous la tutelle du musée de Malmaison et le musée du palais impérial de Compiègne est dépositaire d’une partie de l’importante collection Villeneuve-Esclapon, l’autre étant abritée par le musée de Malmaison. Ainsi s’explique ce quadruple inventaire de bijoux.

Bien que, de façon générale, les bijoux n’occupent pas une place majeure dans ces musées consacrés en priorité au mobilier, à la peinture et à la sculpture, leur importance numérique et, plus encore, leurs provenances méritent qu’en soit fait un inventaire exhaustif. Beaucoup furent mêlés à des événements personnels et historiques importants, les autres reflètent les usages, la mode et les avancées techniques qui caractérisent la seconde partie du xixe siècle. La majorité de ces bijoux datent en effet de la période qui s’étend de 1820 à 1880, les autres remontant au Premier Empire, au xviiie siècle ou même, très exceptionnellement, au xviie siècle.

Très rarement entrés dans les collections nationales par achat, ces bijoux ont principalement été l’objet de dons ou de legs. Entre Compiègne et Malmaison, on peut comptabiliser plus de quarante donateurs (voir leur liste ci-après). Attachés aux musées et aux collections qu’ils conservent, ces donateurs sont souvent les descendants, directs ou par alliance, de personnages qui ont vécu aux côtés de Napoléon Ier, de l’impératrice Joséphine, de l’impératrice Eugénie ou de la reine Hortense, desquels ils ont reçu un ou plusieurs souvenirs. Dépositaires de ces bijoux-reliques, les familles en ont assuré la transmission jusqu’à ce qu’une décision soit prise de les offrir à un musée. Cette volonté émane généralement de descendants sans héritiers.

Inventaires

Préfixes utilisés dans les numéros d’inventaire :
C. = Compiègne (musée du palais impérial de Compiègne)
IMP. = Impératrice (musée du palais impérial de Compiègne, collection Ferrand, « musée de l’Impératrice »)
M.M. = musée de Malmaison
MMPO = musée de Malmaison, pavillon Osiris (fonds du Second Empire)
M.N.M.B. = musée national de la maison Bonaparte
M.G. et M.G.A. = musée Gourgaud et musée Gourgaud île d’Aix (Musée napoléonien de l’île d’Aix, fondation Gourgaud)
N = collection Napoléon (musée de Malmaison)
OA = département des Objets d’art (musée du Louvre)

Quelques précisions doivent être données quant aux numéros d’inventaire attribués aux pièces des collections présentées ici. En effet, si chaque objet reçoit en principe, au moment de sa première entrée dans les collections publiques françaises, un numéro d’inventaire, celui-ci peut, en fonction des époques, varier dans sa forme pour un même musée et, au gré des dépôts, acquérir d’autres numéros selon les modalités de fonctionnement des établissements dépositaires. C’est le cas ici, par exemple, de plusieurs collections postérieures à l’Empire, dont celles de Mme Moreau et de la comtesse Lucien de Villeneuve-Esclapon, qui ont été pour partie déposées par le musée de Malmaison au musée du palais impérial de Compiègne ; chaque pièce confiée à ce dernier porte un double numéro d’inventaire : celui de Malmaison (préfixe M.M.) et celui de Compiègne (préfixe C.). Les bijoux déposés à Malmaison ou à Compiègne par le musée du Louvre, en revanche, ont conservé comme unique identifiant leur numéro d’origine (préfixe OA, pour « objets d’art »).

L’histoire des inventaires successifs des collections de Malmaison est assez mouvementée et les bijoux présentés ici peuvent relever d’inventaires différents, avec des numérotations diverses.

L’inventaire de Malmaison de 1905 à 1916

Pour ce qui relève de notre catalogue, le premier registre du musée de Malmaison, dressé de 1905 à 1916, ne fait mention que d’une montre, enregistrée sous le numéro 327 avec le descriptif suivant : « montre sympathique en or à cylindre de Breguet ». Il s’agit probablement de la pièce achetée par Louis-Philippe que nous retrouvons plus tard sous le numéro M.M.40.47.449.

Le musée de Malmaison est encore en possession de cet inventaire.

L’inventaire de Malmaison de 1916 à 1940

À partir de 1916, un nouvel inventaire des collections fut réalisé par Jean Bourguignon, conservateur de Malmaison de 1916 à 1946. Il comportait deux registres qui ont malheureusement disparu ; selon une note manuscrite collée par Jean Bourguignon sur la page de garde de l’inventaire qu’il entreprit de reconstituer pendant la Seconde Guerre mondiale, ils auraient été volés par les Allemands en 1940.

L’inventaire de Malmaison reconstitué

Dans un courrier adressé à M. Hubert Landais, inspecteur général, le 12 décembre 1975, il est précisé que Jean Bourguignon avait reconstitué à posteriori l’inventaire primitif, répertoriant tous les objets qui n’avaient plus ni numéro, ni date d’entrée. Sa numérotation redémarre à 1, et a reçu pour préfixe la séquence M.M.40.47. Cet inventaire comporte trois registres et inclut près de 9 000 pièces, parmi lesquelles de nombreux bijoux.

L’inventaire initié en novembre 1946

Parallèlement, Jean Bourguignon commença le 30 novembre 1946 un inventaire des collections consacrées à Napoléon III, à l’impératrice Eugénie et au prince impérial, dont l’histoire était liée au musée de Malmaison. La page d’ouverture de ce registre porte, de la main du conservateur, la mention : « Ces collections ont été rassemblées de 1918 à 1927 grâce à des dons particuliers alors que Malmaison était Palais national. Lors de la transformation de Malmaison en musée national, elles ont été homologuées par le directeur des musées nationaux. » Les objets répertoriés dans cet inventaire sont numérotés de 1 à 2290, avec pour préfixe les lettres M.M. De nombreux bijoux y figurent.

L’inventaire initié en 1947

À partir de 1947, un inventaire des objets nouvellement acquis par Malmaison fut mis en place. Il est encore en usage actuellement. Il se présente sous la forme de registres à l’italienne qui était alors adoptée par les Musées de France. La numérotation s’y fait en continu année après année, sur la base du préfixe M.M. suivi des deux ou quatre chiffres de l’année (selon que l’enregistrement a eu lieu avant ou après l’an 2000) et du numéro propre à l’objet.

L’inventaire MMPO (1972)

En 1972, les objets du Second Empire (dont de nombreux bijoux) furent retirés des précédents registres, puis enregistrés dans l’« inventaire MMPO » (pour « musée de Malmaison pavillon Osiris ») et mis en dépôt au musée national du palais de Compiègne, conformément à l’arrêté ministériel du 24 août 1972. Les musées de Malmaison et de Compiègne détiennent chacun un exemplaire dactylographié de cet inventaire.

Le musée de Compiègne conserve également un ensemble d’objets concernant le Second Empire dont un collectionneur passionné par l’impératrice Eugénie, le docteur Ferrand, fit don à la ville en 1951. Cette collection, déposée la même année au musée, formait le « musée de l’Impératrice » à Pierrefonds ; elle reçut une numérotation particulière ayant pour préfixe les lettres IMP.

Dons et legs

Musée du Louvre

Legs

Léguées à l’État et appartenant aux collections du département des Objets d’art du musée du Louvre, ces pièces ont ensuite été déposées au musée du palais impérial de Compiègne.

Musée national du château de Malmaison

Dons

Legs

Par leur ampleur et leur variété, deux collections retiennent particulièrement l’attention : celles de la comtesse Lucien de Villeneuve-Esclapon et de Mme Edmond Moreau. Pour des raisons de chronologie, ces deux ensembles ont été répartis entre le musée du château de Malmaison, consacré au Consulat et à l’Empire, et le musée du palais de Compiègne, plus spécifiquement lié au Second Empire. De nombreux autres dons et legs méritent également qu’on s’attarde sur eux.

Mme Edmond Moreau (1862-1935)

Mme Edmond Moreau, née Sydonie Hervieux, était l'arrière petite-fille de l’ingénieur Charles-François Mandar (1757-1844) et la fille de Léopold Hervieux (1831-1900), avocat d’affaires réputé et auteur de romans sous le pseudonyme de Saint-Amand.

Veuve en 1906 et décédée en 1935, Mme Moreau collectionnait les souvenirs de l’Empire et en particulier les manuscrits et les médailles. Dans les années 1920 (entre 1919 et 1929 semble-t-il), elle fit des dons importants au musée de l’Armée et au musée Carnavalet, à Paris, ainsi qu’au musée de Malmaison. « C’était à Carnavalet que j’ai fait mon premier don, ensuite aux Invalides et après à Cluny et ensuite à Malmaison, mon musée préféré !!! » (lettre adressée à Jean Bourguignon, datée du 8 décembre 1922). Les archives de Malmaison renferment en effet de nombreuses lettres adressées entre 1918 et 1929 au conservateur Jean Bourguignon, qui y fut en fonction de 1916 à 1946.

Dans ses courriers, Mme Moreau manifeste un enthousiasme aussi grand pour les objets qu’elle désire acquérir et offrir au musée que pour le conservateur, qu’elle vénère et à qui elle écrit dans l’exaltation. À plusieurs reprises, elle propose à « son charmant conservateur », auquel elle s’adresse généralement à la troisième personne, de venir à son domicile : « Je lui montrerai des bijoux merveilleux. Le charmant conservateur sera émerveillé, ses yeux éblouis seront charmés » (décembre 1922). Elle réitère son offre le 5 janvier 1923 : « le conservateur verra les merveilleux bijoux de madame de Vandeul et aussi les miens », et le 23 janvier : « j’attends votre aimable visite et je me réjouis de montrer la suite des bijoux de Mme de Vandeuil qui sont pour votre musée ». L’acceptation du don se fait attendre car le 24 avril, Mme Moreau écrit : « il y a toujours mon don de bijoux de Vandeul qui attend impatiemment d’entrer à Malmaison avec quelques bibelots montrés au conservateur cet hiver ». Le 2 septembre 1923, il est question entre autres de dons de « 15 écrins bijoux Diderot-Vandeul ». En 1924, la collectionneuse acquiert des dentelles et des bijoux, parmi lesquels une bague « sur laquelle il y a un aigle » et qu’elle veut remettre au conservateur de Malmaison. Sur une liste non datée écrite de la main de Mme Moreau sont consignés « 8 bijoux Diderot-Vandeul, 1 boîte bijoux, 1 écrin Joséphine avec bijoux ».

Ce nom de Vandeul ou de Vandeuil se réfère à Marie-Angélique de Vandeul (1753-1824), fille unique de Diderot, qui fut dame d’honneur de l’impératrice Joséphine et dont Mme Moreau acquit les bijoux, semble-t-il, lors d’une vente. Il est vraisemblable qu’une partie des pièces mentionnées dans les lettres est bien entrée dans les collections de Malmaison, mais nous ne savons pas lesquelles exactement, d’autant qu’une autre partie, beaucoup plus nombreuse mais tout aussi peu descriptive, fut offerte au musée Carnavalet en deux dons successifs, en 1919 et 1920, et un legs, en 1935. Elle comprend en particulier de nombreux écrins marqués du chiffre « JB » surmonté d’une couronne ; peut-être ceux refusés par Malmaison ? De fait, après 1923, Jean Bourguignon paraît plus circonspect. La donatrice le regrette : « j’ai à nouveau des bijoux. Il y en a qui ont appartenu à Joséphine dans des écrins à son chiffre et avec la couronne impériale » ; et ailleurs : « Je n’apporterai pas les dons cette fois car je crains de contrarier le charmant conservateur car il dit qu’il n’a pas d’emplacement. C’est dommage car c’était une très belle série de bijoux faisant suite à ceux donnés autrefois » (lettres non datées).

C’est néanmoins la vingtaine de pièces entrées approximativement entre 1923 et 1929 (cette fourchette correspond à la période d’intense activité épistolaire de Mme Moreau) qui a constitué l’embryon de la collection de bijoux du musée de Malmaison. On comprend que le conservateur se soit montré un peu réservé, car l’origine impériale revendiquée par Mme Moreau est à mettre en doute : si les bijoux et écrins de même origine que conserve le musée Carnavalet sont en effet, dans leur presque totalité, marqués du chiffre « JB » surmonté d’une couronne, il ne peut pourtant s’agir de Joséphine Bonaparte, ces parures ou ces bracelets datant des années 1830 ou leur étant postérieurs. Il est d’autant plus regrettable de n’avoir pas d’indication certaine de leur provenance que les noms du docteur Conneau (dernier médecin de la reine Hortense) et du duc de Padoue (exécuteur testamentaire de Letizia Bonaparte, mère de Napoléon Ier) apparaissent dans les achats de Mme Moreau. S’il a existé, l’inventaire initial de ces bijoux a disparu en 1940. Pour les œuvres entrées dans les collections du musée avant la guerre, l’inventaire actuel n’est qu’une reconstitution à posteriori.

La comtesse Lucien de Villeneuve-Esclapon (1896-1951)

L’ensemble le plus important de la collection de bijoux est composé des cent vingt pièces léguées au musée de Malmaison en 1951 par la comtesse de Villeneuve-Esclapon. Née au Caire dans la dernière décennie du xixe siècle, Gladys Matossian appartenait à une famille arménienne qui avait fait fortune en Égypte, où elle possédait le monopole des cigarettes et du tabac. Elle quitta l’Égypte au moment de la prise de pouvoir du colonel Nasser et vécut à Paris, où elle se maria en 1921 avec le comte Lucien de Villeneuve-Esclapon (1890-1939), l’un des quatre enfants de Jeanne Bonaparte (1861-1910), qui avait épousé en 1882 le marquis Christian de Villeneuve-Esclapon. Notons incidemment que Jeanne Bonaparte, petite-fille de Lucien Bonaparte (le frère aîné de Napoléon), était également la tante de Marie Bonaparte, dont l’époux, le prince Georges de Grèce, légua au musée de Malmaison une collection de près de deux mille boîtes à l’effigie de Napoléon.

La comtesse de Villeneuve-Esclapon n’eut pas d’enfants. Dans un testament olographe rédigé peu avant sa mort, elle inscrivit, sur le conseil de Mlle Fenne, sa dame de compagnie, le legs à Malmaison d’une « collection Empire » qui comptait « des bijoux, statuettes, dentelles, camées, éventails, gourdes, lorgnettes de Napoléon, médailles, croix de la Légion d’honneur qui me proviennent de la famille de Villeneuve-Esclapon » (testament de la comtesse de Villeneuve-Esclapon du 15 mars 1951, archives du musée de Malmaison). C’est donc une collection héritée de son mari, dont elle voulait honorer la mémoire, que la comtesse a souhaité offrir au musée. Elle précise dans son testament : « Ce legs figurera dans le musée sous la rubrique collection du comte Lucien de Villeneuve-Esclapon fils de la princesse Jeanne Bonaparte et du marquis de Villeneuve. » Cet ensemble de bijoux ne concerne pas seulement l’Empire. Sans doute quelques acquisitions furent-elles faites par la suite, mais c’est avant tout cet héritage Bonaparte qui est légué au musée, comme en témoignent plusieurs médaillons commémorant le mariage de Marie et Roland Bonaparte en 1880, ainsi qu’un crochet de châtelaine aux armes des Villeneuve-Esclapon ; rien n’est dit en revanche des bijoux en diamants qui faisaient également partie des possessions familiales.

Les bijoux légués, dont l’origine s’étend de l’Empire aux années 1870, couvrent presque tout le xixe siècle, mais ne sont malheureusement pas documentés. La plus grande part reflète la mode de la Restauration au Second Empire. Les pièces les plus remarquables sont une série de peignes à système ornés d’un bandeau amovible et plusieurs parures en pierres fines. Notons également quelques bijoux « exotiques » provenant des pays arabes et plusieurs pendants et boucles d’oreilles datant du xviiie siècle.

La baronne Lucien d’Alexandry d’Orengiani (1850-1927)

Née Nancy Fish dans le Lancashire, elle épousa en premières noces Phileas Taylor Barnum, le fondateur du célèbre cirque américain. Veuve en 1891 et disposant d’une énorme fortune, Nancy Fish épousa, après un second veuvage, le baron Lucien d’Alexandry d’Orengiani, chef d’une importante famille de la noblesse savoyarde qui resta fidèle à la cause impériale. Elle adopta les mêmes idées et acquit de nombreux objets ayant trait à la famille impériale. Proche de l’impératrice Eugénie à la fin de sa vie, elle fit, entre 1918 et 1927, dix-huit dons au musée de Malmaison. Parmi ceux concernant le Second Empire (presque tous déposés au musée du palais impérial de Compiègne) figurent le célèbre tableau de Winterhalter, L’Impératrice entourée de ses dames d’honneur, et un important bracelet représentant les membres de la famille impériale (inv. M.M.40.47.6923).

Autres donateurs remarquables

Après avoir été la demeure de l’impératrice Joséphine, la propriété de Malmaison est devenue en 1906 un musée consacré au Consulat et à l’Empire. À ce titre il recueille des souvenirs des membres de la famille Bonaparte et des personnalités de cette période (voir ci-avant la liste des donateurs). Dispersés lors d’héritages et de ventes, les innombrables et précieux bijoux de Joséphine – qui emplissaient à Malmaison coffres et coffrets – sont désormais à peu près tous hors de France. Ne subsistent que quelques montres et quelques bagues personnelles en provenance du prince Napoléon (1914-1997).

La collection du prince Napoléon

Sous ce titre, il faut entendre les objets et les bijoux (assez peu nombreux) qui ont été soit donnés soit vendus en 1979 par le prince Louis-Napoléon (1914-1997) et son épouse la princesse Alix de Foresta (née en 1926). Chef de la maison impériale jusqu’à sa mort en 1997, le prince Napoléon était l’arrière-petit-neveu de l’empereur Napoléon Ier, l’arrière-petit-fils de Jérôme, roi de Westphalie (1784-1860), et le fils du prince Victor Napoléon (1862-1926). Détenteur d’un héritage historique considérable comprenant les souvenirs de l’impératrice Eugénie et de Napoléon III, le prince Napoléon constitua la « Fondation Napoléon » avec sa sœur la comtesse de Witt pour recueillir les souvenirs du prince Victor. Beaucoup d’objets régulièrement prêtés au musée de Malmaison y furent déposés puis, en 1969, une grande partie d’entre eux furent donnés au musée par le prince et la princesse Napoléon et par la comtesse de Witt, sœur du prince. Un inventaire dressé dans la résidence de la famille impériale à Prangins, en Suisse, numérote les œuvres avec pour préfixe les lettres FPN (Fonds prince Napoléon). Les bijoux n’occupent qu’une faible part dans cette donation, mais sont d’une importance historique majeure.

La collection La Bédoyère

Un autre ensemble de bijoux, témoin d’une histoire douloureuse, comprend ceux que portait le général Charles Angélique François Huchet, comte de La Bédoyère (1786-1815) lors de son exécution le 19 août 1815 : une montre, une épingle de cravate et une bague contenant les cheveux de son fils et de son épouse Georgine de Chastellux, comtesse de La Bédoyère. Celle-ci fit sceller des cheveux de son mari dans un médaillon qu’elle porta jusqu’à sa mort. Ces reliques furent offertes en 1933 et 1934 au musée de Malmaison par son petit-fils, le comte Jehan de la Bédoyère et la fille de ce dernier, Mme Jean Reimbert, née Nina de La Bédoyère. L’épisode dramatique de la mort du général est raconté dans le récit publié par Jehan de La Bédoyère sous le titre Idylle et drame.

Héritiers et passionnés

Parmi la trentaine de donateurs ayant enrichi les collections du musée de Malmaison, il faut aussi citer le comte et la comtesse Maurice Allard du Cholet, qui offrirent des bijoux à l’effigie de Napoléon, et le baron Rabusson-Corvisart, qui fit, entre autres, don de bijoux en cheveux de la famille du général Bessières. Les médaillons, les colliers, bracelets et bagues en cheveux sont nombreux. Ils proviennent pour partie de la reine Hortense, épouse du roi de Hollande Louis Napoléon et fille de l’impératrice Joséphine. Ces bijoux furent donnés à Malmaison par le comte Octave d’Esdouhard d’Englène, neveu de la dernière dame d’honneur de la reine, Valérie Masuyer, par Henriette Conneau, héritière du médecin de la reine, le docteur Conneau, et par le comte Albéric Desmazières-Marchand, descendant du comte Louis Joseph Narcisse Marchand, valet de chambre à Sainte-Hélène et exécuteur testamentaire de l’Empereur.

Une des dernières donations importantes en nombre reçue par le musée de Malmaison est celle de Mme Pierre Nuss, faite en 2000. Elle comprend plus de trois cents petits objets (incluant quelques bijoux) et gravures rassemblés par son mari et ayant trait à la légende napoléonienne, dont de nombreux produits commerciaux édités en 1969, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Napoléon Ier. Cette collection semble analogue dans son contenu à celle de Yves Jean Pierre dispersée à l’hôtel des ventes de Saint-Germain-en-Laye le 15 mars 2009.

Musée national du palais de Compiègne

Dons

Les bijoux et les petits accessoires donnés ou acquis par le musée de Compiègne sont en relation avec le Second Empire et plus particulièrement avec la famille de Napoléon III. Ils ont vocation à être exposés dans le cadre du musée du Second Empire et du musée de l’Impératrice.

Parmi les donations et acquisitions ayant enrichi les collections du musée, il en est qu’il faut détailler.

Le fonds Hortense Schneider (1833-1920) : l’Orphelinat des arts et Mme Simon

L’Orphelinat des arts, qui a toujours son siège à Courbevoie, est une société philanthropique fondée en 1880 par l’actrice Marie Laurent (1825-1904) pour accueillir les orphelins de comédiens. De très nombreux artistes, chanteurs, comédiens, écrivains, peintres, sculpteurs apportèrent leur concours à cette œuvre. Dans les années 1930, une grande fête Empire organisée au profit de l’Orphelinat fut d’ailleurs donnée dans le parc du musée de Malmaison.

Entre 1904 et 1919, Hortense Schneider (1833-1920), célèbre chanteuse lyrique qui fut l’égérie d’Offenbach sous le Second Empire et qui vivait retirée sous le nom de comtesse de Bionne, fut sollicitée par la présidente de l’association, Mme Poilpot, fille du sculpteur Carrier-Belleuse et épouse du peintre Théophile Poilpot, pour devenir vice-présidente, puis présidente d’honneur de la société, ce qu’elle accepta avec enthousiasme. Grande bienfaitrice de l’Orphelinat des arts jusqu’à sa mort en 1920, Hortense Schneider l’institua son légataire universel « car [elle voulait] qu’après [sa] mort, il connaisse par de grandes preuves l’étendue de l’amour qu[’elle] avai[t] pour lui ». Elle lui laissa plus de trois millions-or et son hôtel particulier, avenue de Versailles, à Paris. Une clause testamentaire précisait que ce dernier devait demeurer intact jusqu’en 1954. En 1969, son entretien étant trop coûteux, la décision de le démolir fut prise. Parmi les biens mobiliers, seules les pièces anciennes ayant une valeur importante sur le marché de l’art furent mises en vente ; en accord avec l’Orphelinat, le conservateur du musée de Compiègne put sauver le reste du contenu de l’hôtel, notamment l’ensemble du décor Second Empire, qui fut photographié avant d’être déposé. Dans les pièces données au musée figuraient, outre les éléments d’ameublement, divers objets, dont de nombreux petits bijoux, boutons et ornements. Il est difficile de différencier ceux qui relevaient des biens personnels de la chanteuse de ceux qu’elle a pu porter sur scène dans les grands rôles-titres qu’elle a interprétés sous la direction d’Offenbach : La Belle Hélène (1864), La Grande-Duchesse de Gérolstein (1867), la Périchole (1868)…

Ajoutons qu’au moment même où le don de l’Orphelinat des arts entrait dans les collections de Compiègne, Mme Gaston Simon, ancienne lectrice d’Hortense Schneider, offrit au musée plusieurs éléments de costumes de scène portés par la chanteuse dans La Grande-Duchesse de Gérolstein et dans La Périchole, accompagnés de divers objets, dont des bijoux. L’un d’entre eux, une broche en strass, se trouvait encore épinglé sur une veste créée pour le premier acte de la Grande-Duchesse : il s’agit de la « Grande Croix du Gérolstein », qui fit scandale car elle parodiait la grand-croix de la Légion d’honneur.

Il est par ailleurs intéressant de noter que plusieurs bijoux portés dans La Belle Hélène et dans La Grande-Duchesse de Gérolstein se trouvent dans la collection de la maison de retraite des vieux comédiens à Couilly-Pont-aux-Dames, près de Meaux. Ils ont également été donnés par Mme Simon et par l’Orphelinat des arts, les deux donateurs de Compiègne.

Voir les bijoux ayant appartenu à Hortense Schneider

Mme Marthe Ritti de la Fizelière (1865-1944)

Marthe Ritti de la Fizelière, qui fit don de plusieurs bijoux de François-Désiré Froment-Meurice au musée du palais de Compiègne, était sculpteur. Elle est l’auteur d’une Cosette d’après Les Misérables exposée au Salon de 1902 et conservée au musée des Beaux-Arts de Besançon. Elle a également réalisé le buste de la tombe de son mari, François-Antoine-Auguste Ritti (1844-1920), médecin aliéniste enterré au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Marthe était la fille d’Albert de la Fizelière (1819-1878), homme de lettres, et la petite-fille de Mme Guillaume Bouclier (1811-1876), amie de Victor et d’Adèle Hugo.

Le docteur François Ferrand (1877-1953 ?)

Fasciné par l’impératrice Eugénie et par le destin du prince impérial, le docteur Ferrand acquit un certain nombre de pièces de mobilier et d’objets leur ayant appartenu lors des ventes du contenu de Farnborough Hill (1927) qui suivirent le décès de l’impératrice en 1920. Régulièrement enrichie, cette collection comptait plus d’un millier de pièces. Le docteur Ferrand l’installa à Pierrefonds, tout près de Compiègne, dans une maison qu’il possédait. Ouvert au public, le lieu fut intitulé « Musée de l’Impératrice, comtesse de Pierrefonds », en hommage au nom que la souveraine déchue adopta pour voyager en France après 1870.

En 1951, le docteur Ferrand et son épouse décidèrent de faire don de leur collection à la ville de Compiègne, qui la déposa immédiatement au musée national du château, où elle se trouve depuis lors présentée : elle y forme l’essentiel du musée de l’Impératrice. Parmi les objets provenant de la collection Ferrand figure une épingle de cravate avec une miniature représentant Napoléon III.

Mme Henri Bijasson de Turenne (1864-1942)

En 1943 entra au Louvre le legs de Mme Bijasson, née Herminie de Turenne, qui, parmi les bijoux, comprenait une très belle parure d’émeraudes déposée au musée de Compiègne.

Musée national de la maison Bonaparte à Ajaccio

Don

  • L.A. le prince et la princesse Napoléon, 1979

La maison natale de Napoléon à Ajaccio, qui conserve une grande partie du mobilier rassemblé par Letizia (Madame Mère) en 1796, n’a jamais conservé de bijoux. Il faut cependant signaler deux très beaux ensembles présentés encadrés, qui furent offerts par le prince Napoléon : douze médaillons gravés sur camées qui portraiturent la famille de Napoléon et dont certains sont signés de deux graveurs de camées italiens prestigieux, Giovanni Santarelli (1758-1826) et Benedetto Pistrucci (1784-1855), ainsi que neuf médaillons miniatures signés par Abraham Constantin (1785-1855) et Salomon-Guillaume Counis (1785-1859). Le musée n’expose qu’une seule pièce assimilée à un bijou : la couronne en vermeil réplique de celle, en or, réalisée par l’orfèvre parisien Falize en 1902, et donnée pour le musée d’Ajaccio par le prince Napoléon en 1979, en même temps qu’un très important ensemble d’objets et de mobilier.

Une nouvelle acquisition a été faite en vente publique en 2004 : c’est un collier en or de l’Empire, orné d’un médaillon peint par Isabey et représentant Letizia. Il provient de la prestigieuse collection Bernard Franck.

Musée napoléonien de l’île d’Aix

Un seul bijou concerne ce musée. Son histoire et celle du musée sont entièrement liées car il a appartenu à la baronne Gourgaud. Née Eva Gebhard (1886-1959), cette Américaine fortunée épousa en 1917 le baron Napoléon Gourgaud (1881-1944), qui acquit la maison de Napoléon à Île-d’Aix et en fit un musée en 1928. On peut lire dans le testament de la baronne, établi le 3 décembre 1957 : « je donne et lègue à la direction des Musées de France ma broche diamant et platine avec l’aigle de Napoléon qui devra être placée dans une vitrine du musée Gourgaud avec la légende suivante sur la carte descriptive : broche que la baronne Gourgaud née Eva Gebhard portait durant sa vie. J’ordonne que cette broche ne devra jamais être vendue et qu’elle soit exposée en permanence au musée Gourgaud dans la même vitrine dans la dernière salle (salle du souvenir) du rez-de-chaussée » (Archives des musées nationaux).

La baronne Gourgaud légua par ailleurs aux musées nationaux une exceptionnelle collection de peintures, dessins et meubles acquis par son mari et elle-même.

Autres musées, autres donateurs

Plusieurs musées parisiens possèdent et exposent des bijoux de même type que ceux étudiés : avec l’ouverture d’une galerie encyclopédique qui présente mille deux cents pièces, soit le quart des bijoux qu’il conserve, le musée des Arts décoratifs est le plus représentatif de l’art du bijou en France, mais on peut également citer le Petit Palais, avec la collection de bijoux Art nouveau léguée par M. et Mme Edward Tuck (un couple d’Américains fortunés, également donateurs du musée de Malmaison et bienfaiteurs de la ville de Rueil-Malmaison), ou encore la soixantaine de bijoux personnels de George Sand et de sa famille, exposés au musée de la Vie romantique.

Bien qu’on en ait guère connaissance, de nombreux musées français conservent aussi de belles collections de bijoux, mais elles sont peu exposées. C’est ce qu’a montré une enquête conduite en 1992 par l’Inspection générale des musées de France (IGMCC). Les donateurs sont souvent des collectionneurs qui, généralement sans héritiers, choisissent un musée comme destination finale de leur collection pour qu’elle ne soit pas dispersée après leur mort. Ce sont aussi des notables, veufs, pour la plupart, également sans descendants, qui lèguent à leur ville les bijoux de leur épouse ou de leur famille.

À Nice, Georges Chapsal (1853-1940), grand voyageur décédé à Rueil-Malmaison, fit don au musée Masséna, en 1922, d’une collection comprenant plus de mille bijoux rassemblés durant vingt-cinq ans de périples effectués au tournant du xixe siècle en France, en Turquie, en Afrique du Nord, en Inde, en Chine… Certaines pièces sont fort anciennes. Exposée dans les années 1920 à Paris au musée Galliéra, cette collection eut un profond retentissement. Plusieurs planches de bijoux illustrent un livre d’Émile Bayard, L’Art de reconnaître les bijoux anciens (Ernest Gründ, Paris 1924). Avec sa femme, peintre, Georges Chapsal – qui avait constitué un album photographique de toutes ses acquisitions – aménagea une salle qu’il garnit d’autres souvenirs rapportés de pays lointains. Une clause d’interdiction de prêt a malheureusement limité la connaissance de cet impressionnant ensemble, essentiellement constitué de bijoux locaux et régionaux aujourd’hui introuvables, qui ont récemment fait l’objet d’un nouveau travail de reclassement. Une exception a été faite pour le diadème en camées gravés sur coquillage offert par Murat, sous l’Empire, à sa belle-sœur l’impératrice Joséphine : cette œuvre a voyagé dans de nombreux musées.

Au musée municipal de Beaufort-en-Vallée (Maine-et-Loire), une cinquantaine de bijoux de provenances diverses ont été recueillis par Joseph Denais (1851-1916), originaire de Beaufort. Très lié à Lionel Bonnemère, folkloriste renommé au début du xxe siècle, Denais profitait de ses voyages pour collecter non seulement des témoignages de sa région de l’Anjou, mais aussi d’Albanie, de Norvège d’Italie, des Balkans… sans objectif précis. Donnés au musée entre 1894 et 1905, ces bijoux mal inventoriés ont par la suite été oubliés et pillés, mais en 1997, ils ont fait l’objet d’un nouvel inventaire.

À Orléans, Alexis Pierre (1863-1948) légua en 1948 un bel ensemble de bijoux du xixe siècle au musée historique et archéologique de l’Orléanais ; ils avaient appartenu à sa mère, issue d’une riche famille locale. En 1996, la ville d’Orléans a rendu hommage au donateur dans une exposition intitulée « Bijoux et objets de charme ».

À Chaumont, la vente viagère de Lucie Jacquinot (1891-1976), une habitante de cette ville, a fait entrer au musée municipal une collection d’objets essentiellement relatifs à la religion et comprenant de très nombreux personnages de crèches napolitaines, ainsi que plusieurs dizaines de bijoux variés dont un lot de boucles de chaussures et de ceintures. Quel lien y avait-il entre les crèches et les bijoux ? Aucune enquête n’a malheureusement été menée lorsque Mlle Jacquinot vivait encore.

À Roubaix, le négociant en laine Pierre-Henri Sélosse (1857-1923) fit une importante donation. Ce riche collectionneur d’œuvres d’art n’ayant pas d’héritiers, il légua meubles, sculptures et peintures à la ville. Conservée à la Piscine – musée d’Art et d’Industrie André-Diligent, la collection de bijoux reçue en 1925, de provenance sans doute familiale, est remarquable par les quarante-quatre broches-camées des années 1840 qu’elle recèle, ainsi que par des bracelets et des parures en pierres fines tout à fait comparables à la collection de la comtesse de Villeneuve-Esclapon du musée de Malmaison.

En Loire-Atlantique, Thomas Dobrée (1810-1895), fils d’un riche armateur nantais et collectionneur d’œuvres d’art, légua en 1894 non seulement sa collection et ses biens mobiliers, mais aussi un ensemble de bijoux ayant appartenu à sa famille. Ce legs est accompagné de clauses bien précises : « je veux qu’aucun des joyaux, or, pierreries, diamants et perles portés par ma femme, par ma mère et ma tante Rose Dobrée ne soit distrait vendu ou donné ». « Ils seront conservés comme des reliques et des modèles de ce que l’art de notre temps produisait de meilleur. » Ces conditions assorties d’une exigence de présentation spécifique gênèrent probablement les conservateurs du musée Dobrée, où furent rassemblées les œuvres du collectionneur ; une partie d’entre elles sont cependant régulièrement exposées, en particulier les beaux bijoux Art nouveau, dans une salle réservée à l’histoire de la famille Dobrée.

Ces quelques exemples – auxquels on pourrait ajouter d’autres noms, comme le musée Lesecq des Tournelles, le musée des Beaux-Arts à Rouen, le musée Paul-Dupuy à Toulouse, le Musée lorrain à Nancy ou encore le legs fait par Maurice Dreyfus au musée d’Art et d’Histoire de Belfort… – montrent la richesse des collections de bijoux dans les musées. Dans presque tous les cas, et de façon très émouvante, le don de bijoux est lié à la fin d’une dynastie familiale sur laquelle très peu de témoignages n’ont, malheureusement, été enregistrés.